Le lavoir du quartier de “Folletière” (Du latin Folia : la feuille), ce nom signifierait une pierre plate servant à recouvrir le toiture de certains édifices.
Le “Grand Lavoir” communal est un lieu essentiel d’échange.
Les Bugadières viennent ici rire de bon cœur des tours des “matagoun”, les esprits taquins de la maison. C’est une grande famille où chacun se connaît et s’entraide.
Si le temps des grandes lessives d’antan nous semble difficile et pénible, c’est une époque comblée de joie simple et de bonheur, où l’on vivait au rythme des saisons.
Un proverbe Provençal dit : “Jamai s’es facho bugado que noun se siégue secado” : il ne s’est jamais fait de lessive qui ne soit séchée.
Le Canal des Arrosants
Le canal historique de Draguignan, est patrimoine communal depuis sept siècles !
“En Prouvenço l’aigo es d’or”
Avant de retourner dans la rivière la Nartuby au Sud du quartier Salamandrier, l’eau de l’aqueduc des moulins qui arrive en ville est une bénédiction pour les industries et les commerces mais aussi pour les jardins. Le canal des arrosants comme il est alors nommé traverse les quartiers de la Clappe, des Salles et de Folletière.
Un barrage et un système d’écluses sur La Nartuby au quartier de la Clappe permettent une dérivation des eaux de la rivière vers le canal afin de permettre d’arroser le maximum de terres arables.
Au niveau du barrage l’eau est dirigée vers un tunnel long de 36 mètres qui traverse la route nationale.
A Draguignan l’eau est un bien public depuis des siècles, la destination de l’arrosage pour les jardins apparaît pour la première fois le 25 juillet 1379, les citadins n’obtiennent eux le droit d’arroser les prés “librement et impunément” qu’en 1412.
Le canal des arrosants a permis aussi le développement d’une autre activité : le flottage des poutres. Celui-ci fut interdit en 1428 à cause de la dégradation des “subliers” et des “rives”.
Autrefois les conditions d’irrigation n’étaient pas réglementées officiellement. Si le propriétaire d’un terrain souhaitait obtenir un droit d’irrigation il lui suffisait simplement de s’adresser au Conseil de Ville qui appliquait les règles de la coutume, loi souveraine.
Toutefois, la première réglementation de l’usage du canal date de 1321, il appartient alors au Roi Robert, donnera suite à de nombreux litiges qui eux aussi ont traversé les âges.
L’Hôtel Dieu
Les frères Capucins s’établissent à Draguignan en 1599.
Le couvent de cet ordre religieux de la famille franciscaine est situé sur un promontoire en coeur de ville, dominant le quartier historique de Draguignan, il surplombe le lavoir de Folletière. A ses pieds coule le canal des arrosants qui débouche en ville.
En 1661, la commune pour payer ses dettes à l‘hôpital lui donne le droit “ de recevoir les eaux grasses des moulins à huile et de les conduire dans des réservoirs appelés communément enfers pour les dépurer et en extraire l’huile” suite à cette concession des canaux furent pratiqués dans les moulins et des enfers construit au dehors.
L’« Hôpital- Hospice » (Saint-Jacques III) bénéficie alors d’une concession durant 113 ans du produit des enfers. L’importance des revenus obtenus grâce à cette huile de recense va changer les rapports sociaux au XVIIe siècle et être l’objet de convoitise et de procès entre propriétaire et moulinier.
En 1780, l’hôtel Dieu renonce aux enfers moyennant une redevance annuelle de huit coupes d’huile.
Le couvent est acquis par la commune en 1791 afin d’y transférer l’hôpital de la ville, on y soigne blessés et malades de l’Armée d’Italie, les civils et les enfants abandonnés.
Hôpital de la ville jusqu’en 1985, il subsiste un élément architectural des plus intéressant, sa chapelle du XVIe siècle.
Le double bac
Au lavoir, ne venaient pas que les bugadiero professionnelles, mais toutes les femmes qui ne pouvaient pas laver le linge chez elles ou qui ne lavaient pas le long du canal.
Afin de ne pas confondre les deux techniques, il convient de bien faire la différence, entre la petite lessive, où l’on lave le linge au lavoir, en le trempant, le savonnant, le frottant, le battant avec le battoir (la masso ; lou bacèu), pour enfin le rincer au rinçoir (refrescadou) qui est un bassin tout à fait distinct du lavoir proprement dit (lou lavadou), et la grande lessive ou lessive aux cendres qui est la seule véritable bugado.
Jusqu’en 1950, on pratique toujours la bugado « ei cèndre », 2 à 4 fois dans l’année. Dans un cuvier, on dépose le linge blanc, prélavé, on met par-dessus « lou flourié » ou charrier, qui contient la cendre finement tamisée (de chêne par exemple). On coule ensuite la bugado (coula la bugado) pendant une demi-journée au moins, en versant de l’eau sur les cendres, d’abord tiède. On récupère l’eau qui sort par un robinet au bas du cuvier et on la remet à chauffer. On concentre ainsi le lessif (lou leissiéu) qui se charge peu à peu en potasse et devient très fort.
Au final, on le verse bouillant. Il reste ensuite à rincer, puis à faire sécher, non sans avoir au préalable tiré sur les draps pour éviter les plis.
L’ensemble pouvait prendre 4 à 5 jours de travail. La lessive aux cendres sera peu à peu remplacée par les lessiveuses dans le courant du XXe siècle.
On disait : la fremo que vèn dou riéu manjarié soun ome viéu !